Quand les cloches revenaient....
Je n'ai pas eu l'occasion de passer souvent les fêtes de Pâques en Lorraine...c'était tellement loin de la région parisienne à l'époque, tout au moins pas très facile pour y aller et combien coûteux ! Mais mon frère et moi avions passé toute une année là-bas, en 1931, l'état de santé de ma mère ayant exigé qu'elle se repose. Mes grands-parents, chagrinés pour leur fille, avaient été ravis pour eux-mêmes ! Garder leurs petits-enfants, s'en occuper, les envoyer à l'école du village...les aider à vivre...quel bonheur ! Et voilà pourquoi à Pâques 1931 nous nous trouvions dans ce petit village d'AFFRACOURT qui, pour nous, ressemblait au Paradis !
Pendant toute la semaine Sainte, nous avions assisté à tous les offices, Chemin de Croix, messes, avec ma grand-mère. Je revois cette vieille petite église...je la trouvais très belle, et elle l'était peut-être. Pendant un an, mon frère avait rejoint les enfants de choeur et grand-mère en était toute fière ! Que sa fille se soit mariée avec un parisien et que ses petits-enfants soient nés à PARIS et habitent la région parisienne, quand on n'a jamais quitté son village, pas même une journée, ça marque ! Et nous, nous les aimions tellement ces grands-parents....Et le jour de Pâques arrivait ! Les cloches de l'Eglise, parties à ROME, revenaient et sonnaient à toute volée, joyeusement...Mais surtout, il y avait la "tournée" faite dans le village par les petits enfants de choeur, passant à trois reprises depuis le matin de très bonne heure, en faisant tourner une crécelle et en annonçant ce retour en criant "Voici le premier...puis Voici le second...puis Voici le troisième..." Nous n'avions jamais vu ça. Et grand-mère, comme d'autres habitants du village, offrait une bonne miche de pain tout frais, qui serait partagée entre les fidèles, au cours de la messe, après avoir été bénite... Ce petit morceau de pain que chacun prenait avait un goût spécial....C'était le pain de Pâques, de la Résurrection...Il avait vraiment une signification...Et pour l'acheter et l'offrir, chaque villageois dont aucun n'était très riche, avait fait un sacrifice...C'était peut-être ce qui pour nous lui donnait son goût spécial ? Et on en rapportait un petit morceau à grand-père qui ne pouvait se déplacer.
Les cloches étaient revenues de ROME, la joie était dans l'air et un bon repas était fait par ma grand-mère...quiche lorraine ou pâté lorrain, et surtout, ce qu'on attendait, une tarte magnifique aux mirabelles ou aux quetsches, fruits qui avaient été mis dans des bocaux pour servir à l'occasion. Et ça, c'était une excellente occasion ! Ce souvenir de la crécelle et du bruit qu'elle faisait est resté bien vivace. Je pense que ça existe dans d'autres régions de France, mais pour moi, à AFFRACOURT, ça me semblait unique !
Je suis en ville maintenant. Demain, on entendra les cloches...Mais ce sont des cloches électriques....Plus d'enfant de choeur pendu au bout d'une corde et tirant à toute volée...en se laissant remonter le plus haut possible, pour le plaisir....Les années ont passé......"
Plus rien de commun sans doute maintenant. Est-ce que les enfants de choeur passent toujours avec leur crécelle ? La petite église que j'aimais tant a-t-elle des cloches électriques ? Moi je garde précieusement mes souvenirs...
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